Commémoration du 10ème anniversaire de la mort de Jorge Semprun


Chers membres de l’ Association des Amis de Semprún

Pour les raisons sanitaires en vigueur, la FAM ne pourra honorer l’invitation de votre président Monsieur Bonsang et assister, ce dimanche 13 juin 2021, à la commémoration  du 10ème anniversaire  de la mort de  Jorge Semprún  au cimetière de Garentreville  où il repose.

Par ces lignes, la FAM voudrait rapprocher les parcours de ces deux hommes, enfants de l’Espagne, défenseurs de la République et exilés en France où ils reposent à jamais.

Jorge Semprun  est né en 1923 alors que Machado avait déjà 48 ans.

Issus l’un et l’autre d’une famille appartenant à l’élite républicaine cultivée, ils ont eu en commun  une éducation humaniste qui leur fera défendre les valeurs de la 2ième République Espagnole. Tous deux ont pris le chemin de l’exil vers la France en 1939 :  Machado s’est éteint à Collioure :
« Machado dort à Collioure / Trois pas suffirent hors d’Espagne/…Et ferma les yeux pour toujours. »

C’est la fin d’une vie d’écriture et d’engagement pour Machado dont la figure prendra une dimension importante au sein de l’Exil républicain ; l’attachement à la patrie exprimée dans sa prose et sa poésie seront un lien entre les exilés.

Pour Semprún en revanche, l’exil sera le début d’un engagement sans écriture. Alors que depuis toujours il avait voulu être écrivain, il a dû choisir entre « l’écriture ou la vie » et durant 17 ans il a choisi la vie ; une vie d’engagement politique qui l’a conduit à sa déportation à Buchenwald, puis à la clandestinité durant cette période tragique du XXème siècle.

Semprun a accepté de revenir en Espagne, comme ministre de la culture sous le gouvernement de Felipe González de 1988 à 1991. Après la mort du dictateur Franco, comment résister à l’espoir d’une société nouvelle où la fraternité régnerait ?

Le 11 mai 1989, il a inauguré, es-qualité, le premier colloque sur Machado qui s’est tenu à Madrid à la Casa de Velásquez : « Machado 1939-1989 ».

Rappelons quelques extraits :

¿Por qué recordar, a partir de la Casa de Velázquez, la Guerra Civil? Porque Machado… es hoy, yo diría casi un poco violentamente, como un « bien mostrenco« de la cultura española. Todo el mundo se refiere a Machado, todo el mundo sabe quién es Machado, todo el mundo habla de Machado, todo el mundo ο algunos, incluso, dicen: «Machado y yo» …Lo esencial de Machado no es ese rescate de la poesía sino el rescate de la razón democrática en Machado… Por consiguiente, creo que es una de las cosas en las cuales hemos de reflexionar, que si hoy Machado es universal es porque no lo ha sido, aparentemente, en un período, porque ha sido partidista, porque ha tomado partido. Porque son precisamente las razones que él defendió, y que defendió con otras fuerzas, algunas de ellas más ο menos acertadas, ο más ο menos equivocadas, las que fueron las razones de la razón democrática y que le permiten a Machado ser hoy universal…Yo creo que, por consiguiente, es totalmente justo históricamente que Machado permanezca en Collioure. . Yo creo que el símbolo de Machado en Collioure, ο sea, que esté enraizado en el destierro para siempre, es un símbolo perfecto de lo que es Machado, de lo que significa y de lo que todavía hoy nos sirve Machado en la memoria colectiva…

Ces propos éminemment politiques tenus en 1989 n’excluaient pas son admiration pour la langue de Machado qu’il qualifiait de « poète de la transparence, pour la concision transparente de sa langue, naturellement classique, d’une musicalité mystérieuse dans sa simplicité ».

Le 23 février 2019, 30 ans après ce colloque, ici à Collioure, le monde entier a entendu, Pedro Sánchez, Chef du gouvernement espagnol en exercice, demander pardon à tous ces exilés au nom du gouvernement espagnol. Il a nommé Jorge Semprún, jeune espagnol engagé dans la Résistance française, écrivain en langue française, et européen avant l’heure. Il a rendu hommage à Machado, dont le nom n’est donc plus « un bien en déshérence » de la mémoire collective espagnole.

Machado et Semprun reposent en terre de France, symboles permanents de cette lutte pour la démocratie et la liberté et Européens avant l’heure.

L’Europe est née portée par toutes ces femmes et tous ces hommes qui se sont dressés à cette époque-là contre l’idée insensée que la liberté ne servait à rien.