Notes de lecture
Le roman s’ouvre et se clôt sur l’ouverture de la fosse commune de Saavedra et entremêle habilement l’époque moderne de la quête identitaire d’Angelica née en 1975 (date sans doute symbolique) et le temps du récit historique.
Saavedra, petite ville galicienne de l’intérieur, est un microcosme figurant l’Espagne de la guerre civile, de la posguerra et de l’époque du franquisme triomphant. Les personnages masculins incarnent les forces politiques et sociales qui s’entre-déchirent : le vieil ordre avec le cacique Don Francisco déjà moribond avec son emphysème et le curé Don Elios qui manipule encore les consciences et les événements, les phalangistes avec Vicente Ostria, José Silva et Juan Pinto, les républicains avec l’ancien instituteur et guérillero Alvaro Pineiro, devenu le Loup, réfugié dans les montagnes avec Eugenio et Pablo.
Le vieil ordre s’accommode rapidement des nouveaux maîtres franquistes qui n’hésitent pas à assassiner, spolier maisons et commerces, l’épicerie et la boulangerie, pratiquer le marché noir, enlever et éduquer par la force les enfants des « rojos ». Les guérilleros eux s’enferment dans une lutte qu’ils finissent par percevoir comme vaine face à la lassitude de la population qui veut oublier la guerre civile.
Sur ce fond historique se détachent des personnages féminins puissants appartenant à quatre générations successives.
La vieille Felicidad, la gardienne du chêne sacré, règne sur tous les secrets, celui de la nature, des plantes de la terre galicienne, et surtout celui des naissances.
Juana, au destin tragique, va payer chèrement par vingt longues années d’emprisonnement et la séparation d’avec son enfant son engagement politique et amoureux avec Alvaro.
Alma vivra longtemps sous une double identité : elle est Maria Carmen sous la coupe terrible de ses parrains Ostria, servante en charge de Martin, qui va devenir son ami et confident, mais pour Felicidad et Martin elle est Alma, une âme vivante qui s’efforce peu à peu et difficilement de s’émanciper, sans comprendre l’aversion de Juana. A vingt ans elle quitte Saavedra pour Madrid, et découvre le monde du travail, les mouvements sociaux et l’amour éphémère avec Martin.
Angelica, la fille d’Alma et de Martin, représente la jeune génération qui s’interroge sur la transition démocratique et participe à la réparation matérielle et symbolique des victimes du franquisme. Symboliquement l’héritage qu’elle reçoit de Vicente Ostria sert au financement de l’ouverture des fosses communes de Saavedra. « La terre accepte de témoigner et l’histoire peut enfin s’écrire avec un point final. »
A la fin de sa quête, contre les gènes, Angelica fera le choix de l’amour reçu et des valeurs humaines.
JCC