Conférence d’Antonina Rodrigo – Femmes françaises et espagnoles qui ont conservé la mémoire vivante d’Antonio Machado

 

Femmes françaises et espagnoles qui, à Collioure, ont conservé la mémoire vivante du poète Antonio Machado.

 Antonina Rodrigo

 

Dans l’hommage que l’on rend au poète et à sa mère à l’occasion du 80° anniversaire de sa mort, il convient de mettre sur le devant de la scène deux femmes françaises, Madame Juliette Figuères et Madame Pauline Quintana. Les deux ont eu une influence décisive et solidaire sur la fin de la vie à la dérive d’Antonio Machado et de sa famille. La dimension altruiste de ces deux femmes, qui ignoraient qui il était, allégea  la détresse du poète et de sa famille, lors de leur arrivée dramatique à Collioure, dans un train rempli de réfugiés républicains, le 28 janvier 1939 au matin. Lorsqu’Antonio  Machado, sa mère, son frère José et Matéa sa femme, descendent du train, personne ne les connaît. Ils sont aussi anonymes que cette foule affaiblie qui était entrée en France à pied, sous la pluie, la neige et la désolation, et qui inondait les rues du tranquille village de pêcheurs du Roussillon. Le tableau que présentait la famille de Machado était affligeant. Doña Ana Ruiz, la mère de quatre-vingt- cinq ans, perdant un peu la raison, demandait : « Allons-nous bientôt arriver à Séville ? ». Son fils Antonio, épuisé, malade et blessé par la tragédie de l’Espagne. A grand peine, ils descendirent de la gare à la Placette, au centre du village. Madame Figuères y tenait une boutique de tissus et de mercerie. A la porte de son établissement, elle avait installé une petite table avec un thermos de café et un autre de lait chaud ainsi que du pain, qu’elle offrait généreusement à ceux qui passaient. Les Machado ne se sont pas approchés attirés par le café au lait, ils voulaient simplement un siège pour que doña Ana et son fils Antonio puissent se reposer. Madame Figuères les invite à entrer. Les Machado lui demandent l’adresse d’un hôtel et elle leur recommande l’Hôtel Bougnol Quintana, en face de sa boutique. C’est là qu’entre en scène Madame Quintana, la propriétaire de l’hôtel, qui les accueille et leur propose deux chambres et aussi une collation qu’ils refusent courtoisement, ne désirant que du repos pour leurs corps exténués. Ils avaient passé la nuit d’avant, celle du 27 au 28 janvier,  complètement transis, dans un wagon abandonné de la gare de Cerbère. Ces deux femmes françaises vont représenter, lors du dernier acte de la vie du poète, le rôle principal de la Solidarité. Les Machado avaient tout perdu, ils étaient nus, comme les fils de la mer pour reprendre l’image machadienne. Les circonstances pénibles vont changer grâce à Madame Figuères.  Les deux frères vont avoir des vêtements de rechange et ils pourront descendre ensemble à la salle à manger, sans être obligés de mettre leur chemise à tour de rôle. Ils vont aussi avoir des livres, des journaux et des timbres pour écrire aux trois filles de José et Matéa, évacuées en Russie. Mais la pluie jusqu’à la frontière française et la nuit passée à Cerbère, ont aggravé l’asthme et la maladie des bronches dont souffre le poète.  Il reçoit une assistance médicale du Dr. Cazaben, qui annonce une issue fatale. Machado commence à vivre ses derniers jours, soigné par Madame Quintana et Madame Figuères. Le poète à l’agonie murmure Adieu, mère ! Sa vie s’achève le 22 février 1939, celle de sa mère, trois jours plus tard. Madame Quintana obtint pour le poète un endroit dans le tombeau de Madame Deboher, pour ne pas qu’il soit mis dans une tombe municipale, une tombe de pauvre.

Durant la veillée funèbre, les deux femmes françaises confectionnèrent un drapeau républicain qui, tel un suaire, devait couvrir le corps d’Antonio Machado et envelopper le cercueil au long des rues de Collioure jusqu’au cimetière.

Jusqu’à la fin de ses jours ces deux femmes françaises veillèrent sur le dernier souvenir de cet être humble et sage, engagé dans la lutte en faveur de son peuple, qui était arrivé un jour à Collioure blessé à mort par la tragédie de l’Espagne. Tant que vécurent les deux gardiennes zélées, jamais sa tombe au cimetière de Collioure ne manqua de fleurs. Les femmes espagnoles, nous avons une dette envers elles.

Marie Laffranque. Saint-Marcet, Haute-Garonne (France), Toulouse 1921-2006.

Elle fait partie de la pléiade des femmes françaises sages, non seulement en raison du large et exceptionnel panorama de sa culture, mais parce que, élevée dans la laïcité des écoles publiques françaises, elle a acquis une connaissance  sociale du militantisme et de l’engagement des objecteurs de conscience de la non-violence. Elle fut directrice de recherches en Philosophie au CNRS (le Centre National de Recherches Scientifiques). Pionnière de l’étude approfondie de l’œuvre de Federico García Lorca, ses recherches sauvèrent des textes oubliés, poétiques et dramatiques du poète, ainsi que du théâtre anarchiste de Federico Urales, de la pensée d’Antonio Machado ou d’Ángel Ganivet. Elle s’impliqua dans la publication risquée, dans l’Espagne de 1954, des œuvres complètes de Lorca chez Aguilar, avec Arturo del Hoyo, et avec la méticulosité de l’artiste, en France, pour la Pléiade,  sous la responsabilité d’André Bélamich. Elle traduisit en français María Zambrano, Aleixandre, Celaya, des conférences, des articles, des comptes-rendus… Tout cet énorme travail réalisé par Marie Laffranque, sortait d’un corps tétraplégique cloué sur une chaise roulante. C’est ainsi qu’elle parcourut le monde durant toute sa vie, se sentant utile grâce à la lumière de la culture et de la solidarité. Tissant des réseaux sociaux, elle se plaçait du côté des insoumis. Solidaire de l’exil républicain de 1939, elle nous rend débitrices envers elle. Elle offrit son appui aux gitans,  ce qui lui valut d’être membre du Centre International des Etudes Gitanes de Grenade, où on la chérissait. Son militantisme ne connaissait pas de frontière, elle était impliquée dans des Comités comme celui d’Aide à l’Espagne ou celui de la guerre d’Algérie. Enchainée, ainsi que nous pouvons le voir sur l’écran, à son fauteuil roulant, défendant la cause des persécutés et des dépossédés, sa maison et son cœur étaient ouverts à tous.

Marie a toujours été une agitatrice absolument intègre, sa voix douce, intimiste, émouvait et on l’aurait suivie jusqu’au bout du monde. Un jour comme aujourd’hui, nous étions allées jusqu’à la gare de Collioure. Elle était sur le quai, sur ses genoux, une brassée de vers qui parlaient du poète mort dans ce village. C’était un train qui allait en Espagne et qui s’arrêtait une minute. Rapidement, nous montions dans les wagons pour distribuer les vers. La plupart des voyageurs les refusaient, remplis de crainte, ils se rendaient dans l’Espagne répressive du dictateur.

 

Monique Alonso Alonso. Lourdes (France), 1953. Son père, agriculteur, défenseur de la République, s’enfuit de sa terre castillane pour rejoindre le front loyaliste. En 1939, lorsqu’il arriva en France, il passa par les camps de Saint-Cyprien et d’Argelès. Il fut pour Monique l’artisan de son enfance, au sein d’un foyer modeste, où régnaient l’harmonie et la responsabilité. Elle commença à travailler à quatorze ans et elle poursuivit des études d’espagnol et de français à l’Université de Pau. Son professeur Manuel Tuñón de Lara  lui proposa le sujet de son mémoire : Le travail des intellectuels espagnols exilés en France. C’est ainsi que Monique entra dans le monde de l’exil des intellectuels,  leur demandant de témoigner ; parfois ceux-ci lui offraient des revues éditées dans les camps de concentration, des dessins, des lettres et des expériences vécues. Le nom d’Antonio Machado, devenu le mythe de l’exil, revenait souvent dans ces témoignages. A Collioure, en 1977, elle organisa une rencontre avec des personnes ayant connu le poète, parmi eux, Jacques Baills, Madame Figuères et Monsieur Rivada. Antonio Gardó et Manolo Valiente l’accompagnaient lors de cette réunion ; elle proposa l’idée de créer une Fondation qui  vit le jour en octobre de la même année. Monique s’est totalement investie dans  la Fondation, surtout les premières années, au cours desquelles elle ne bénéficiait d’ aucune aide alors qu’il fallait pourtant faire connaître. Aujourd’hui, avec l’admiration qu’elle porte au poète et la connaissance de son œuvre, elle continue à écrire, elle donne des conférences et elle aide les chercheurs machadiens.

 

Mercedes Pradal Rodríguez (Kalinka). Madrid, 1923 – Toulouse, 2005. Elevée à l’Institution Libre d’Enseignement, elle est toujours restée fidèle à ses enseignements pédagogiques, jusqu’à la fin de ses jours. Lorsqu’éclate le soulèvement militaire, le 18 juillet 1936, son père, député socialiste à Almería, organise la résistance de la ville, et cela provoque la dispersion de la famille. En 1939, Kalinka avec sa mère et son frère embarquent à Alicante pour l’Algérie où ils sont internés dans un camp de concentration jusqu’à ce qu’ils puissent arriver à Toulouse. Ils vivent dans la pauvreté la plus totale. Kalinka accepte des emplois sous payés et le soir, elle suit des cours et devient professeur de français. Le parcours de Kalinka est marqué par son travail humaniste dans le domaine de la pédagogie, au lycée Raymond Naves de Toulouse  par  ses études sur Machado et son travail comme membre actif de la Fondation Antonio Machado, sans oublier sa loyauté sans faille au Parti Socialiste Ouvrier Espagnol.

Margarita Giral Clausell. Née en 1927, elle fut pendant longtemps  porte-drapeau lors de la cérémonie-anniversaire de la mort d’Antonio Machado. Fille de Carmen Clausell Bernat, poétesse et journaliste catalane exilée, elle illustra des œuvres de sa mère, en particulier celle qui s’intitule À Don Antonio Machado, publiée en 1989 à l’occasion du cinquantième anniversaire de la mort du poète et qui obtint la Médaille d’Argent dans un concours à Toulouse. Elle est elle-même auteure d’un livre sur son vécu personnel, Ma vie, en catalan et en français, traduit plus tard en anglais.

Sara Berenguer Laosa. Barcelone, 1919 – Montady (France), 2010. Fille d’ouvriers, elle commença à travailler à treize ans. Le coup d’état militaire de 36 en fait une militante active. Elle a des responsabilités au comité des Industries de la Construction de la CNT. En 1938 elle intègre la Section des Combattantes de Solidarité Internationale Antifasciste (SIA). Elle se déplace sur les fronts de guerre et visite des hôpitaux et des garderies. Fin 1938 elle est secrétaire du comité de Femmes Libres. Enceinte de son premier fils, elle entre à la Maternité, en échange de tâches domestiques, comme interprète des Espagnoles réfugiées qui sortaient des camps de concentration pour accoucher.

Lorsqu’éclate la seconde guerre mondiale, Sara rentre dans la Résistance. En 1941 elle prend d’énormes risques pour aider les groupes clandestins de la Montagne Noire. Sa vie a été marquée par un altruisme inébranlable. La France l’a honorée le 31 octobre 1998 en la faisant Chevalier dans l’Ordre de la Légion d’Honneur.

Teresa Soler i Pi (connue par son nom d’artiste, Teresa Rebull), Sabadell, 1919 – Banyuls-sur-mer (France), 2015. Fille de la grande Balbina Pi et de Gonzalo Soler, le couple mythique de la lutte anarchosyndicaliste, elle commença à travailler à douze ans dans une usine textile, et elle participa à sa première grève avant quatorze ans. Quelques années plus tard elle entra au Ministère du Travail du Gouvernement Catalan. Elle ne tarda pas à intégrer le POUM (Parti Ouvrier d’Union Marxiste). Pendant la guerre, elle fut infirmière volontaire. En 1937, impliquée dans les Évènements de Mai, elle fut arrêtée et emprisonnée dans un cachot stalinien de la Via Layetana. Elle partit en exil en 1939. En 1940, Elle participa à la Résistance à Paris. Elle travailla dans la variété, dans les chœurs de Luis Mariano. Elle était en relation avec des amis de l’Espagne républicaine, comme Albert Camus, Juliette Gréco. En 1968, elle vécut intensément le mouvement révolutionnaire du mois de Mai français. Elle est en contact avec la Nouvelle Chanson Catalane (Raimon, Llach, Bonet, Motta, Pi de la Serra…), ils l’appellent la grand-mère de la Nouvelle Chanson. Etreignant sa guitare, elle chante des chansons qu’elle a composées ou elle met en musique des poètes catalans (Salvat Papasseit, Martí i Pol, Rosa Leveroni) ainsi que Machado et Lorca. Elle reçoit des prix et des récompenses, et lors de ses tournées elle chante la lutte antifranquiste de la bataille de l’Ebre : les chaussures de Jaume,  un poème de Gual i Lloberas. Au cours de ses dernières années à Banyuls, elle écrit ses mémoires tout en chantant,  elle peint et expose ses œuvres avec passion. Les thèmes de ses tableaux sont la lutte pour la liberté, l’exil, l’amour et la mer.

Vida Manso González Zabraniecki. Argentona (Barcelone), 1937. Elle est née en Catalogne, dans une colonie républicaine pour femmes enceintes et leurs enfants, comme ce fut le cas pour de nombreux enfants de familles déplacées par la guerre. Comme des milliers d’autres enfants, elle passa la frontière à Cerbère avec sa mère dans des conditions très difficiles, jusqu’à  échouer dans un camp à Grenoble où les conditions de vie furent pires encore.

Manuel Manso, son père, membre de la CNT, était sur le front d’Aragon. Fin 1939, il fut blessé et évacué en ambulance dans un hôpital de Montauban. Après des mois d’angoisse, la Croix Rouge finit par le localiser et, enfin réunie, la famille vécut toute sa vie dans cette ville.

Les parents, en tant que libertaires, étaient convaincus que la libération de l’être humain se réaliserait à travers la culture. Vida entra à l’école primaire pleine d’illusion et elle y réussit parfaitement, comme plus tard au Lycée. Sa détermination et la volonté de ses parents lui permirent de poursuivre des études de Lettres à l’Université de Toulouse. Elle fut professeure dans divers lycées de la ville et inspectrice pédagogique. Vida proposait à ses élèves l’image précieuse de l’histoire et de la culture espagnoles inculquées par ses parents. Elle créa à Toulouse une Section Internationale d’Espagnol, toujours en vigueur, qui a eu un énorme retentissement. Vida a toujours milité et s’est toujours engagée dans des Associations espagnoles de l’exil. Depuis le début, elle est membre de la Fondation Antonio Machado, aux côtés de Marie Laffranque, Kalinka Pradal, Monique Alonso, Manolo Valiente… Tant qu’ils ont vécu, ses parents l’ont accompagnée chaque année à Collioure. La grande figure d’Antonio Machado symbolise pour eux, comme pour tous les réfugiés républicains, les valeurs morales, démocratiques et culturelles qu’ils défendaient.

Adela Carreras Taurà. Barcelone, 1916 – Perpignan (France), 1999. Pendant près d’un quart de siècle, à onze heures précises, le salut radiophonique : « Ici, Radio Paris ! » faisait irruption dans des milliers de foyers espagnols  depuis la capitale française, pour mettre à l’heure les horloges arrêtées du franquisme. En Espagne c’était un acte subversif. La voix qui déchirait les denses ténèbres du silence informatif était celle d’Adela, connue à cette époque-là comme Adela del Campo, en raison de ses activités dans les camps de concentration du Roussillon, lorsqu’elle arriva en France en 1939.

Ses parents, traditionnellement républicains, faisaient partie du théâtre de variétés, où elle débuta très jeune. Lorsqu’éclate la guerre en 1936, Adela intègre comme volontaire un Hôpital du Sang. Attirée par l’activité des Femmes Libres, elle adhère à cette organisation ; elle anime des débats sur le front d’Aragon et elle fait partie du « Théâtre du Front ». En arrivant en France en 1939, les familles sont dispersées. Pour rester avec son père et son frère, elle se déguise en soldat. Au camp d’Argelès, Adela participe à l’organisation de classes d’alphabétisation et elle collabore à des récitals, où Antonio Machado joue le rôle de référent moral pour cet auditoire qui connaissait par cœur son poème La mort eut lieu à Grenade. Elle rencontre Julián Antonio Ramírez, lors d’une conférence qu’il donne sur Lorca. Ils vont former ensemble un couple engagé dans la lutte antifasciste,  au sein du Groupe Artistique des Travailleurs Espagnols (GTE). Après la libération de la France, Adela entre au Théâtre Radiophonique des émissions en langue espagnole. L’une des œuvres proposées, fut « Stérile » de Lorca, à côté de María Casares. Adela et Julián sont devenus les voix de Radio Paris, avec des programmes comme Travailleurs Espagnols en France. Les deux ont fait partie de la Fondation Antonio Machado et à plusieurs reprises, ils ont donné des représentations lors de la commémoration annuelle de la mort du poète.

Antonina Rodrigo

 


 

MUJERES FRANCESAS Y ESPAÑOLAS QUE, EN COLLIOURE, HAN MANTENIDO LA MEMORIA VIVA DEL POETA ANTONIO MACHADO

Antonina Rodrigo

 

En el homenaje que se le rinde al poeta y a su madre, en el 80 aniversario de su fallecimiento, hay que destacar en altorrelieve a dos mujeres francesas, Mme. Juliette Figuères y Mme. Pauline Quintana. Ambas ejercieron decisiva y solidaria influencia, en el final de la vida a la deriva de Antonio Machado y su familia. La dimensión altruista de estas dos mujeres, que no sabían quien era, palió el desamparo del poeta y su familia, en la dramática llegada a Collioure, en un tren atestado de refugiados republicanos, la mañana del 28 de enero de 1939. Cuando Antonio Machado, su madre, su hermano José y Matea, su mujer, descienden del tren, nadie les conoce. Son tan anónimos como aquella multitud desfallecida que había entrado en Francia a pie, bajo la lluvia, la nieve y la desolación, que inundaba las calles del tranquilo pueblo marinero del Rosellón. El cuadro que presentaba la familia Machado era desolador. Doña Ana Ruiz, la madre, de ochenta y cinco años, con la razón perdida, preguntaba: “¿Llegamos pronto a Sevilla?”. Su hijo Antonio, agotado, enfermo y herido por la tragedia de España. Fatigosamente, descendieron de la estación a la Placette, centro del pueblo. Allí, Mme. Figuères tenía un comercio de tejidos y mercería. A la puerta del establecimiento había puesto un velador con un termo de café y otro de leche caliente, y pan, que ofrecía, generosamente, a las gentes que pasaban. Los Machado no se acercaron atraídos por el café au lait, pedían un asiento para que descansara doña Ana y su hijo Antonio. Mme. Figuères les hace pasar al interior. Los Machado le piden la dirección de un hotel y les recomienda el Hotel Bougnol Quintana, frente a su comercio. Y aquí entra en escena Mme. Quintana, propietaria del hotel, que los acoge y les ofrece dos habitaciones, también un refrigerio que agradecen, pero no aceptan, solo desean reposo para sus cuerpos exhaustos. La noche anterior, del 27 al 28 de enero, la habían pasado ateridos, en un desahuciado vagón de ferrocarril en la estación de Cerbère. Las dos mujeres francesas van a representar, en el último acto de la vida del poeta, el papel protagonista de la Solidaridad. Los Machado lo habían perdido todo, estaban desnudos, como los hijos de la mar de la imagen machadiana. Las penosas circunstancias cambian, gracias a Mme. Figuères. Los dos hermanos van a tener mudas para cambiarse y bajar juntos al comedor, sin necesidad de turnarse la camisa. También libros, prensa, y sellos para poder escribirle a las tres hijas de José y Matea, evacuadas a Rusia. Pero la lluvia hasta la frontera francesa y la noche en Cerbère, han agravado el asma y la dolencia bronquial del poeta. Recibe asistencia médica del Dr. Cazaben, que le diagnostica un cercano final. Machado empieza a vivir sus últimos días, atendido por Mme. Quintana y Mme. Figuères. El poeta musita en su agonía ¡Adiós, madre! Su vida se extingue el 22 de febrero de 1939, la de su madre, tres días más tarde. Mme. Quintana gestionó para el poeta un lugar en el panteón de Mme. Deboher, para que no fuese a una tumba municipal, de pauvre. Durante la noche del velatorio, las dos damas francesas confeccionaron una bandera republicana que, a modo de sudario, cubriría el cuerpo presente de Antonio Machado y rodearía el féretro por las calles de Collioure hasta el cementerio.

Hasta el final de sus días las dos damas francesas custodiaron la última memoria de aquel ser humilde y sabio, comprometido con la lucha del pueblo, que un día llegara a Collioure herido de muerte por la tragedia de España. Mientras vivieron las celosas guardesas, nunca faltaron flores en su tumba, en el cementerio de Collioure. Las mujeres españolas tenemos una deuda con ellas.

Marie Laffranque. Saint-Marcet, Haute-Garonne (Francia), 1921-Toulouse, 2006. Forma parte de la pléyade de las mujeres sabias de Francia, no solamente por el amplio y excepcional panorama de su cultura, sino porque, educada en el laicismo de las escuelas públicas francesas, adquirió un sentido social de la militancia y el compromiso de objetores de conciencia de la no-violencia. Fue directora de investigaciones de Filosofía en el CNRS (Centro Nacional de Recherche Scienfique). Pionera estudiosa de la obra de Federico García Lorca, sus investigaciones rescataron textos olvidados, poéticos y dramáticos, del poeta, así como del teatro anarquista de Federico Urales, del pensamiento de Antonio Machado o del de Ángel Ganivet. Se implicó en la arriesgada publicación, en la España de 1954, de las obras completas de Lorca en la editorial Aguilar, con Arturo del Hoyo y, con minuciosidad de artífice, en Francia, para la Pléiade, a cargo de André Belamich. Realizó traducciones al francés de María Zambrano, de Aleixandre, de Celaya, conferencias, artículos, reseñas… Toda esta ingente labor, desarrollada por Marie Laffranque, salía de un cuerpo tetrapléjico en una silla de ruedas. Así recorrió el mundo durante toda su vida, sintiéndose útil, con la luz de la cultura y la solidaridad. Tejedora de redes sociales, se situaba al lado de movimientos de insumisos. Solidaria con el exilio republicano de 1939, siempre estaremos en deuda con Marie. Dio su apoyo a los gitanos, por algo fue miembro del Centro Internacional de Estudios Gitanos de Granada, donde era muy querida. Su militancia no tenía fronteras, implicada en Comités como el de Ayuda a España o el de la guerra de Argelia. Encadenada, como podemos ver en la pantalla, en su silla de ruedas, por las causas de los perseguidos y los desposeídos. Su casa y su corazón estaban abiertos a todos.

María siempre fue una agitadora de la mejor ley, porque su habla dulce, intimista, conmovía, y la hubiéramos seguido al fin del mundo. En días como hoy, subíamos con Marie a la estación de Collioure. Ella en el andén, en su falda un brazado de octavillas que hablaban del poeta muerto en este pueblo. Era un tren que iba a España y paraba unos minutos. Presurosas, subíamos a los vagones a repartir las octavillas. La mayoría de los viajeros las rechazaban temerosos, iban a la España represiva del dictador.

Monique Alonso Alonso. Lourdes (Francia), 1953. Su padre, agricultor, defensor de la República, salió de su tierra castellana huido, hasta llegar al frente leal. En 1939, al entrar en Francia pasó por los campos de Saint-Ciprien y Argelès-sur-Mer. Monique tuvo, en él, al artífice de su infancia, en un hogar humilde, donde reinaba la armonía y la responsabilidad. Empezó a trabajar a los catorce años y siguió sus estudios de Filología española y francesa, en la Universidad de Pau. Fue su profesor Manuel Tuñón de Lara quien le propuso el tema de su tesina: La labor de los intelectuales españoles exiliados en Francia. Así entró Monique en el mundo del exilio de los intelectuales, recabando testimonios de ellos, que en ocasiones le ofrecían revistas editadas en los campos de concentración, dibujos, cartas y vivencias de primera mano. El nombre de Antonio Machado, convertido en mito del exilio, salía a relucir en muchos de estos testimonios. En Collioure, en 1977, organizó un encuentro con gentes que habían conocido al poeta, entre ellos, Jacques Baills, Mme. Figuères y el señor Rivada. Les acompañaron en esta reunión Antonio Gardó y Manolo Valiente, y propuso la idea de hacer una Fundación, y así nació, en octubre de aquel mismo año. La labor de Monique en la Fundación ha sido de una entrega total, sobre todo en los primeros años, en que no se recibían ayudas y había que difundir su creación. Hoy, con la admiración por el poeta y el conocimiento de su obra, continúa escribiendo, dando conferencias y ayudando a los investigadores machadianos.

Mercedes Pradal Rodríguez (Kalinka). Madrid, 1923-Toulouse, 2005. Educada en la Institución Libre de Enseñanza, se mantuvo fiel a sus enseñanzas pedagógicas, hasta el final de sus días. Cuando estalla la sublevación militar, el 18 de julio de 1936, su padre, diputado socialista por Almería, organiza la resistencia de la ciudad, con ello llega la dispersión de la familia. En 1939, Kalinka, con su madre y hermanos, embarcan en Alicante rumbo a Argelia, donde son internados en un campo de concentración, hasta que pueden llegar a Toulouse. La pobreza más absoluta puebla sus vidas. Kalinka se emplea en trabajos minusvalorados y de noche sigue cursos hasta obtener el título de profesora de francés. La trayectoria vital de Kalinka la constituye su labor humanista en el campo de la pedagogía, en el Lycée Raymond Naves, de Toulouse, sus estudios machadianos y su labor como miembro activo de la Fundación Antonio Machado, sin olvidar su lealtad sin fisuras al Partido Socialista Obrero Español.

Margarita Giral Clausell. Nacida en 1927, fue durante muchos años la abanderada en la ceremonia-aniversario de la muerte de Antonio Machado. Hija de Carmen Clausell Bernat, poeta y novelista exiliada catalana, ilustró diversas obras de su madre, entre ellas la titulada A Don Antonio Machado, publicada en 1989, en el cincuentenario de la muerte del poeta, que en un certamen de Toulouse obtuvo la Medalla de Plata. Autora a su vez de un libro de vivencias propias, Ma vie, en catalán y francés, traducido más tarde al inglés.

Ambas mujeres han sido celosas guardianas de la tumba de Antonio Machado en Collioure.

Sara Berenguer Laosa. Barcelona, 1919-Montady (Francia), 2010. Hija de obreros, a los trece años empezó su vida laboral. El golpe militar de 1936 la convierte en activa militante. Asume cargos en el comité de Industrias de la Edificación de la CNT. En 1938 se integra en la Sección de Combatientes de Solidaridad Internacional Antifascista (SIA). Se desplaza a los frentes de guerra y visita hospitales y guarderías infantiles. A finales de 1938 es secretaria del Comité de Mujeres Libres. Embarazada de su primer hijo, entra en la Maternidad, a cambio de participar en las tareas domésticas, como intérprete de las españolas refugiadas que salían de los campos de concentración para dar a luz.

Cuando se declara la II Guerra Mundial, Sara se incorpora a la Resistencia. En 1941 presta arriesgados servicios en los grupos clandestinos que operaban en La Montaña Negra. Su vida estuvo marcada por un indesmayable altruismo. Francia le rendía honores el 31 de octubre de 1998, al concederle la Orden de Caballero de la Legión de Honor.

Teresa Soler i Pi (conocida por su nombre artístico, Teresa Rebull), Sabadell, 1919-Banyuls-sur-Mer (Francia), 2015. Hija de la gran Balbina Pi y de Gonzalo Soler, pareja mítica en la lucha anarcosindicalista, entró a trabajar a los doce años en una fábrica textil, como ayudanta de urdidora, y antes de los catorce ya tomó parte en su primera huelga. Años más tarde entró en la Generalitat, en la Conserjería de Trabajo. No tardó en integrarse en el POUM (Partit Obrer d’Unificació Marxista). Durante la guerra prestó servicio de enfermera voluntaria. En 1937, implicada en los Hechos de Mayo, fue detenida y encarcelada en una checa estalinista de la Vía Layetana. Salió al exilio en 1939. En París, en 1940, participó en la Resistencia. Allí trabajó en los coros de varietés, en la compañía de Luis Mariano. Se relacionaba con amigos de la España republicana, como Albert Camus, Sartre, Juliette Greco. En 1968 vivió intensamente el movimiento revolucionario del Mayo francés. En contacto con la Nova Cançó Catalana (Raimon, Llach, Bonet, Motta, Pi de la Serra…), la nombran l’àvia de la Nova Cançó. Abrazada a su guitarra, canta canciones compuestas por ella misma y pone música a poetas catalanes (Salvat-Papasseit, Martí i Pol, Rosa Leveroni), y a Antonio Machado y Lorca. Recibe premios y reconocimientos, y en sus giras canta la lucha antifranquista de la batalla del Ebro: Les sabates d’en Jaume, del poema de Gual i Lloberas. En sus últimos años, en Banyuls-sur-Mer, escribe Tot cantant, sus memorias, y cultiva y expone intensamente su pintura. En la temática de sus cuadros está la lucha por la libertad, el exilio, el amor y el mar.

Vida Manso González Zabraniecki. Argentona (Barcelona), 1937. Nació en tierras catalanas, en una colonia republicana para mujeres embarazadas y sus hijos, como tantos niños de familias desplazadas por la guerra. Y como miles de otros niños, pasó la frontera por Cerbère con su madre en difíciles condiciones, hasta ir a parar a un campo, en Grenoble, donde las condiciones de vida fueron aún peores.

Manuel Manso, su padre, cenetista, estaba en el frente de Aragón. A finales de enero de 1939, fue herido y evacuado en ambulancia a un hospital de Montauban. Tras meses de angustia, la Cruz Roja logró localizarlo y al fin, reunida la familia, vivieron ya toda la vida en esta ciudad.

Los padres, como libertarios, estaban convencidos de que la liberación del ser humano, llegaría con la luz de la cultura. Vida ingresó en la escuela con gran ilusión y provecho, como luego ocurriría en el Instituto. Su empeño y la voluntad de sus padres le permitieron estudiar Filosofía y Letras en la Universidad de Toulouse. Fue profesora en varios institutos de la ciudad, e inspectora de Pedagogía. Vida ofrecía a sus alumnos una imagen valiosa de la historia y la cultura de España, inculcada por sus padres. Con gran repercusión, fundó en Toulouse una Sección Internacional de Español, vigente hoy día. Vida ha mantenido siempre su militancia y compromiso en Asociaciones españolas del exilio. Desde sus inicios es miembro de la Fundación Antonio Machado, junto a Marie Laffranque, Kalinka Pradal, Monique Alonso, Manolo Valiente… Mientras vivieron, sus padres asistieron cada año con ella a Collioure. La gran figura de Antonio Machado simbolizaba para ellos, como para los refugiados republicanos, los valores morales, democráticos y culturales que defendían.

Adela Carreras Taurà. Barcelona, 1916-Perpignan (Francia), 1999. Durante más de un cuarto de siglo, a las once en punto, el saludo radiofónico: “¡Aquí, Radio París!” irrumpía en miles de hogares españoles, desde la capital de Francia, para poner en hora los relojes parados del franquismo. En España constituía un acto subversivo. La voz que desgarraba las densas tinieblas del silencio informativo era la voz de Adela, para entonces conocida por Adelita del Campo, por su actividad en los campos de concentración del Roussillon, a su entrada en Francia en 1939.

Sus padres, de tradición republicana, pertenecían al teatro de varietés, donde ella debutó desde muy joven. Cuando estalla la guerra, en 1936, Adela se incorpora como voluntaria a un Hospital de Sangre. Atraída por la actividad de Mujeres Libres, se adhiere a la organización, da charlas en el frente de Aragón y forma parte del “Teatro del Frente”. Al entrar en Francia, en 1939, dispersan a las familias. Para estar con su padre y su hermano, se disfraza de soldado. En el campo de Argelès-sur-Mer, Adela participa en la organización de clases de alfabetización y colabora en recitales, donde Antonio Machado es un referente moral en aquellos auditorios, que sabían de memoria su poema La muerte fue en Granada. En una conferencia de Julián Antonio Ramírez, dedicada a Lorca, se conocen. Juntos van a formar una pareja comprometida en la lucha antifascista, del Grupo Artístico de los Trabajadores Españoles (GTE). Tras la liberación de Francia, Adela forma parte del Teatro Radiofónico de las emisiones en lengua española. Una de las obras fue Yerma, junto a María Casares. Adela y Julián Antonio se convirtieron en las voces de Radio París, con programas como Trabajadores Españoles en Francia. Los dos formaron parte de la Fundación Antonio Machado y en ocasiones dieron recitales en la conmemoración anual de la muerte del poeta.

Antonina Rodrigo